Du reflux ou pas?
Voici un courriel typique de parents inquiets à propos de « reflux »
La mère d’un nourrisson de 4 mois, (7,2 kg) 15lbs 13 oz écrit:
« Mon bébé prend des médicaments pour le reflux depuis qu’il a 7 semaines parce qu’il régurgite beaucoup et qu’il s’étouffe lorsqu’il est couché. Il ne prend qu’un sein à chaque boire. Il refuse de boire sauf si je le nourris en étant étendue sur le côté. Il a toujours eu beaucoup de gaz et je pense que sa prise du sein n’est pas bonne. Ses lèvres ne se retroussent pas vraiment autour du sein. Il lui arrive souvent de pleurer et de se fâcher au sein si nous ne sommes pas étendus. Il s’étouffe parfois lors du réflexe d’éjection quand nous ne sommes pas étendus. Il a commencé à se fâcher au sein il y a environ un mois, et il a des gaz depuis sa première ou deuxième semaine de vie. Mes mamelons sont douloureux, mais pas tout le temps. Je l’allaite exclusivement. Sa prise de poids est bonne et le pédiatre en est satisfait.
Je prends la mini-pilule contraceptive depuis 6 semaines post-partum. Mon bébé prend ranitidine (Zantac) pour le reflux, mais les choses ne s’améliorent pas. »
Que se passe-t-il ici? Pourquoi le bébé se fâche-t-il au sein? Pourquoi le bébé s’étouffe-t-il au sein? Et pourquoi a-t-on cru que le bébé souffrait de reflux?
Considérons trois explications possibles :
- Le réflexe d’éjection est trop fort et la mère a trop de lait.
- Le bébé souffre de reflux et tous ses symptômes sont causés par le reflux.
- La production de lait de la mère a diminué au cours des derniers mois.
Selon vous, quelle explication est la bonne?
Voici une analyse des trois possibilités :
- Bébé est incapable de gérer le débit de lait (réflexe d’éjection fort, bébé « s’étouffe » au sein, trop de lait)
Si le bébé ne peut gérer le débit de lait, ce n’est habituellement pas parce que le débit est trop rapide, mais parce que la prise du sein pourrait être améliorée. Les mères se font souvent dire que la prise du sein est parfaite, mais à notre clinique, nous enseignons une prise de sein différente et montrons aux mères comment arriver à une prise du sein asymétrique.
Et pourquoi le bébé prend-il mal le sein? Parce que :
- La façon dont bébé est positionné et prend le sein extrêmement importante et détermine comment le bébé va recevoir le lait du sein. La prise de sein détermine si le bébé pourra gérer le débit sans s’étouffer.
- L’utilisation de tétines artificielles comme les bouteilles, les suces et les téterelles.
- Le bébé a un frein de langue serré. Certains freins de langue sont serré de façon évidente, mais plusieurs cas sont plus subtils et nécessitent une évaluation dépassant la simple observation mais demandant de toucher sous la langue du bébé en sachant ce que l’on doit sentir. Malheureusement, peu de professionnels de la santé, incluant les consultants en lactation, savent comment évaluer le frein de la langue.
Ceux qui prétendent que ces situations ont lieu à cause d’un « réflexe d’éjection fort » ou d’une « surproduction » ignorent le fait que ce bébé était allaité durant ses 7 premières semaines de vie et qu’il était capable de gérer le débit. Le réflexe d’éjection n’était pas un problème pour les 7 premières semaines, alors pourquoi le serait-il alors que le bébé est plus vieux? L’observation d’un bébé au sein montre qu’il peut boire de façon calme pendant les premières minutes pendant qu’il reçoit beaucoup de lait et commencer à « s’étouffer » et « s’éloigner » quand il arrête de boire. Le fait est que souvent, « s’étouffer » à cause de « trop de lait » ou « parce que le bébé ne peut gérer le débit de lait » est souvent un problème d’un bébé qui s’éloigne et qui pleure parce qu’il veut plus de débit.
Donc ce n’est pas la bonne explication.
- Le bébé souffre de reflux.
Nous doutons fortement que les bébés allaités exclusivement souffrent de reflux sauf en de rares occasions. Ils peuvent régurgiter, mais le début tardif de la régurgitation tel que décrit plus haut est un symptôme de quelque chose d’autre, comme je vais l’expliquer. Le diagnostic de « reflux » est devenu tellement commun que l’on a l’impression que la moitié des bébés des pays riches prennent des médicaments ou de la formule anti-reflux. Et même si à l’occasion, des bébés semblent aller mieux en prenant cette médication, ils sont l’exception et la plupart ne connaissent pas d’amélioration, comme dans le cas ci-haut présenté par la mère. Le fait que le bébé ait pris des médicaments durant plusieurs mois et que ses symptômes aient empiré au lieu de s’améliorer aurait fait reconsidérer le diagnostic à la mère et au médecin dans la plupart des autres cas cliniques. La raison pour laquelle les symptômes ne diminuent pas est que le bébé ne souffre pas de « reflux » si nous entendons par là « reflux gastroœsophagien », maladie rare chez les bébés allaités exclusivement. Ce bébé ne souffre pas non plus d’un autre diagnostic commun – « le reflux silencieux », peu importe ce qu’on entend par là. Quelque chose comme un « mal de tête silencieux », parce qu’il n’y a pas de douleur?
Le diagnostic vient souvent pour expliquer un bébé qui se fâche parce que c’est pratique. Une pilule pour chaque maladie. Il suffit de prescrire une médicament et on n’a pas besoin de gérer un bébé qui se fâche et sa mère en quête de solution. La plupart des pédiatres en savent peu sur l’allaitement et observent rarement un bébé au sein. Même s’ils le faisaient, peu sauraient dire si un bébé boit vraiment alors qu’il est au sein. Donc, un bébé qui se fâche mais qui a une bonne prise de poids est perçu comme souffrant de reflux.
Pourtant, l’observation de ces bébés au sein montre qu’ils ne reçoivent pas de lait de façon adéquate et qu’ils boivent seulement une partie du temps, se dégageant quand le débit est lent. Cela ne signifie pas nécessairement que le bébé ne reçoit pas assez de lait. En effet, ce problème est celui d’une mère qui a commencé l’allaitement avec une production de lait abondante, donc une baisse de la production pourrait encore signifier que la production est adéquate, mais qu’elle est moindre par rapport à ce à quoi le bébé était habitué. Mais les bébés réagissent au débit et s’il ralentit, ils peuvent glisser sur le bout du mamelon et causer de la douleur et des blessures, pleurer au sein, et même refuser le sein complètement. Le problème n’est pas la quantité de lait que le bébé reçoit, mais plutôt la façon dont le bébé perçoit le débit par rapport à ce qu’il était auparavant.
Clairement, le reflux n’est pas l’explication
- La production de la mère a diminué au cours des derniers mois.
Régurgiter (reflux), s’étouffer, une mauvaise prise de sein, se fâcher, les mamelons douloureux, prendre seulement un sein à chaque boire et le besoin d’allaiter seulement en position couchée font tous partie du portrait d’une diminution tardive de la production de lait.
La diminution tardive de la production de lait est fréquente chez les mères qui contactent notre clinique et peut arriver rapidement après la naissance, parfois même après seulement quelques semaines. Pourquoi la production de lait diminue-t-elle? Dans le cas présent, trois raisons peuvent expliquer cette diminution :
- La mère a les mamelons douloureux. La plupart du temps, les mamelons douloureux sont un signe que la prise du sein du bébé n’est pas adéquate. Quand la prise du sein n’est pas adéquate, la mère peut avoir mal aux mamelons ou le bébé peut ne pas recevoir le lait de façon optimale, ou alors les deux problèmes surviennent.
- La mère ne donne qu’un sein à chaque tétée, ce qui diminue la production de lait.
- La mère a commencé à prendre la pilule contraceptive. Je ne sais pas d’où provient l’idée que la pilule ne contenant que de la progestérone ne cause pas une diminution de la production de lait. Notre expérience et celle de nombreuses mères est que c’est pourtant le cas. Que les docteurs ignorent cela peut seulement être expliqué par le fait qu’ils ne font pas le lien quand les choses tournent mal avec l’allaitement et qu’ils suggèrent simplement de supplémenter avec de la formule et alors pour eux tout semble bien aller, alors que ce n’est pas le cas.
Donc la véritable explication est le numéro 3, la production de la mère et le débit vers le bébé ont diminué.
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Droits d’auteur: Jack Newman, MD, FRCPC, Andrea Polokova, 2017, 2020