Dompéridone

La dompéridone peut être utile pour augmenter la production de lait maternel, et surtout, la quantité de lait transféré de la mère vers le bébé.

Dans notre clinique, nous utilisons la dompéridone pour différents motifs, lorsque le bébé n’obtient pas assez de lait au sein de sa mère ou quand les mères supplémentent déjà avec du lait artificiel au biberon.

Nous l’utilisons également lorsque le bébé a des difficultés à prendre le sein, car l’augmentation de la production de lait est liée, en général, à l’augmentation du flux de lait et plus le lait coule vite, plus le bébé arrive à prendre le sein facilement. Un bébé qui commence à prendre le sein le fait en fonction du flux de lait qu’il reçoit du sein.

Nous l’utilisons aussi parfois lorsque la mère a les mamelons douloureux car lorsque le débit de lait est lent, le bébé peut glisser sur le mamelon et augmenter la douleur, ou encore tirer sur le sein lorsque le débit ralentit. Plus de lait signifie aussi que le bébé passera moins de temps au sein et sera rassasié plus longtemps, ainsi la mère aura des pauses plus longues et un bébé plus calme.

Nous l’utilisons souvent lorsque la mère présente une baisse de lactation tardive. Ces baisses de lactation sont souvent, mais pas toujours, liées à un frein de langue chez bébé et nous préférons augmenter la lactation d’abord et, environ une semaine ensuite, sectionner le frein, alors que la lactation est importante.

Il existe d’autres causes aux baisses de lactation tardives, comme le fait de ne donner qu’un sein à chaque tétée sans proposer le deuxième, la mise en place d’une contraception hormonale, y compris les dispositifs intra-utérins à la progestérone, etc…

Comment fonctionne la dompéridone?

La dompéridone agit en bloquant la dopamine au niveau de la glande pituitaire pour augmenter la production de prolactine. De nombreuses personnes semblent s’inquiéter de ce blocage de la dopamine et de ses éventuels effets sur l’action de la dopamine dans la régulation de l’humeur, cependant, la dompéridone agit de manière périphérique, à l’extérieur du cerveau.

D’après Thomas Hale (auteur de “Medications and mother’s milk”) dans une lettre à l’Agence Européenne du Médicament “En raison de sa structure unique, la dompéridone a une pénétration très limitée de la barrière hémato-encéphalique. Le ratio central/périphérique de la dompéridone est d’environ 1:300, en comparaison la métoclopramide, une molécule similaire est à 1:45. En pratique, cela signifie qu’il y a très peu d’effets secondaires sur le système nerveux central des patientes. Autrement dit, la dompéridone entre à peine dans le cerveau des patientes (elle ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique, la glande pituitaire se trouvant à l’extérieur de cette barrière).

En augmentant la production de prolactine par la glande pituitaire, la dompéridone augmente la production de lait et la quantité de lait que le bébé reçoit. Et les bébés apprennent à téter en tétant.

Mais la dompéridone ne doit pas être utilisée de façon isolée. Il est important d’améliorer la succion du bébé et d’utiliser la compression du sein pour augmenter la quantité de lait que reçoit le bébé. La dompéridone est efficace quand elle n’est pas utilisée comme seul moyen pour résoudre le problème de manque de lait.

La dompéridone fonctionne-t-elle pour toutes les patientes?

Non. Aucun médicament ne fonctionne pour tous les patients et dans toutes les situations, que ce soit un hypotenseur, un antibiotique pour la pneumonie, ou tout autre médicament. En cela, la dompéridone n’est pas différente des autres médicaments.

Mais il est possible d’améliorer ses effets. Les biberons perturbent la succion des bébés et cela diminue l’effet de la dompéridone. Améliorer la succion et utiliser la compression du sein aident à obtenir de meilleurs effets pour la dompéridone. Utiliser un dispositif d’aide à la lactation au sein pour complémenter au lieu de biberons améliore l’efficacité de la dompéridone. En d’autres termes, la dompéridone n’est pas une baguette magique mais seulement un des outils utilisés pour augmenter la production de lait par le bébé.

La dompéridone est-elle sans risque?

En fait, la dompéridone est l’un des médicaments les plus sûrs du marché. En vérité, il n’existe aucun médicament qui n’ait pas d’effet secondaire, et la dompéridone en a également.Comme Hale l’a écrit dans le livre cité plus haut “au minimum, plus d’un milliard de doses ont été distribuées rien qu’en Europe, et bien plus à l’échelle mondiale, sur peut-être plusieurs millions de patientes”

“… la dompéridone a un excellent profil sécuritaire et est en général très bien tolérée”.

Une récente étude menée dans notre clinique, faite sur un échantillon record de 1000 mères et leurs bébés par le département de pharmacie clinique de l’Hôpital des enfants malades, a montré des effets secondaires très peu nombreux. Le plus fréquent (10% des mères) était des maux de tête d’intensité modérée et transitoires. Sont également rapportées, mais nous n’en avons pas constaté lors de cette étude, des prises de poids pour 10% des mères. En parallèle, cette étude a pu estimer que l’utilisation de la dompéridone améliorerait la production de lait de 28%. Pour être honnête, je ne sais pas comment ils sont arrivés à cette conclusion, mais cela n’est pas déraisonnable, contrairement à la position de certains qui disent que la dompéridone a seulement des effets minimes sur la production de lait. Je dois ajouter qu’il s’agit de personnes qui ne travaillent pas avec des mères allaitantes. D’autres études ont montré une augmentation de la production de lait maternel de 96% .

Les avertissements (de 2015 et 2012) émis par Santé Canada sont pas basés sur des preuves formelles et il n’y en a aucune qu’il y ait un quelconque risque d’effet secondaire au niveau cardiaque avec la dompéridone (en effet, il ne s’agit pas d’un avertissement de Santé Canada, mais plutôt un avertissement relayé par eux et en provenance du fabricant). Il est étrange que le fax transmis par Santé Canada en janvier 2015 ne mentionne aucune référence alors qu’apparemment c’est leur habitude. Même pour quelqu’un qui a un intervalle QT prolongé, et bien, en théorie il y a un risque, mais en pratique il n’y en a pas.

Cet avertissement est une répétition, mot pour mot, de la déclaration faite par l’Agence Européenne des Médicaments qui reprend beaucoup de ses idées des laboratoires pharmaceutiques et fabricants de lait en poudre. En dépit de plusieurs cas de décès en Europe de mères prenant des pilules contraceptives (et au Canada également: 23 décès en 8 ans au Canada ont été répertoriés par Santé Canada il y a quelques années), tout le monde semble s’accorder sur le fait que la pilule contraceptive justifie ce risque. A vrai dire, si l’on considère qu’il existe d’autres méthodes contraceptives que la pilule, incluant la méthode de l’aménorhée de lactation (MAMA) par les mères allaitantes, je ne suis pas d’accord. Mais, bien sûr, la pilule contraceptive est bien plus populaire auprès des médecins et autres professionnels de santé et les laboratoires pharmaceutiques gagnent énormément d’argent grâce à elle, ce qui n’est pas le cas de la dompéridone. Nous avons demandé à Health Canada en 2012, quand toute cette histoire a démarré avec la dompéridone au Canada, Santé Canada n’a jamais rapporté de décès chez les femmes allaitantes prenant de la dompéridone. Nous avons de nouveau demandé après l’avertissement de janvier 2015. Il n’y avait aucun cas de décès de rapporté parmi les femmes en âge d’allaiter. En fait, il n’y avait aucun retour d’effet secondaire notable qui pouvait être attribué à la dompéridone chez les patients quelle que soit leur tranche d’âge.

De plus, j’ai personnellement traité des milliers de patientes avec de la dompéridone, et avec des doses bien supérieures aux recommandations maximum de Health Canada, et je l’ai conseillé pour bien plus encore qui se la sont fait prescrire par leur médecin de famille. Très peu de ces mères ont ressenti des effets secondaires et pour celles qui en ont eu, ils étaient mineurs et se ont disparu en quelques jours.

Voici un article paru dans le British Medical Journal à propos du risque accru de thromboembolie veineuse (potentiellement fatale) avec la pilule contraceptive.

Voici la différence entre dompéridone et pilule contraceptive: quand une étude conclut que la pilule contraceptive entraîne une augmentation importante du taux de thromboembolie veineuse (comme expliqué dans cet article), il suffit de faire défiler les commentaires pour lire:

“Ces résultats… fournissent des informations importantes pour prescrire en toute sécurité la contraception orale”

Que cela signifie-t-il? On peut utiliser la pilule contraceptive sans inquiétude car le bénéfice justifie le risque. D’un autre côté, on ne doit pas utiliser la dompéridone car améliorer la réussite de l’allaitement n’est pas important.

Il y a tellement de médicament plus dangereux que la dompéridone. Les mêmes inquiétudes à propos de l’intervalle QT pourraient être exprimées pour beaucoup de médicaments utilisés quotidiennement, incluant certains antibiotiques, mais les récentes controverses semblent ne montrer du doigt que la dompéridone. Pourquoi cela? A nouveau, parce qu’améliorer l’allaitement n’a pas de réelle importance, étant donné que nous avons de si merveilleux substituts au lait maternel; Faux!

Effectivement, la métoclopramide qui est communément utilisée aux Etats-Unis à la place de la dompéridone pour augmenter la production de lait a été associée à des troubles neurologiques permanents et n’a fait l’objet d’aucune publicité négative, malgré un avertissement inscrit dans un encart noir* sur la boîte de métoclopramide par la Federal Drug Administration**.

Et que dire du paracétamol? Vous savez, ce que les parents donnent à leurs enfants à chaque fièvre ou douleur? Lisez cet article du Huffington Post et cet extrait en particulier: “L’overdose de paracétamol envoie chaque année 78 000 américains aux urgences et occasionne 33 000 hospitalisations par an, d’après les rapports fédéraux. Le paracétamol est aussi la première cause d’insuffisance hépatique sévère au niveau national, d’après les données d’une étude en cours financée par le National Institutes of Health***.”

Alors, pourquoi toute cette agitation sur la dompéridone?

Plus exactement, quelle est cette agitation?

Je reçois des emails de mères qui me disent que d’après leur médecin, elles ne peuvent pas prendre de dompéridone car elles avaient eu un souffle au coeur quand elles étaient enfants, ou parce que leur grand-père est mort d’une crise cardiaque, ou qu’elles ont été opérée d’un trou au coeur quand elles étaient bébé, ou encore qu’elles ressentent occasionnellement des palpitations ou d’autres motifs incongrus. La seule raison valable est pour la mère d’avoir un intervalle QT prolongé à l’ECG et ce problème est très occasionnel, pour ne pas dire rare, parmi les femmes en âge de procréer. Cette contre-indication peu commune a été élargie pour inclure tous les problèmes cardiaques possibles et imaginables.

Cette situation est étrange. Une mère qui se rend à la pharmacie pour de la dompéridone peut se voir demander pour quelle raison elle va en prendre. Si elle répond “pour augmenter ma lactation”, on lui répondra que sa prescription ne peut être délivrée. Si elle répond “pour des problèmes gastriques”, on lui répondra “ votre prescription sera prête dans 15-20 min.

Et voilà! D’après l’étrange vision de l’Agence Européenne du Médicament et sa retranscription par Santé Canada, la dompéridone est dangereuse seulement si vous la prenez pour augmenter votre production de lait, mais pas si vous devez régler des problèmes gastriques.

Mais, voici le secret. Les études propres de l’Agence Européenne du Médicament n’ont montré aucun effet sur l’intervalle QT chez les volontaires en bonne santé.

Maintenant que nous avons tout abordé, si vous éprouvez des palpitations inexpliquées ou un historique familial  d’arrêts cardiaques inattendus, allez faire un ECG, avec une attention particulière pour l’intervalle QT prolongé, avant de prendre de la dompéridone.

Quelle est posologie pour la dompéridone?

Nous démarrons avec une posologie de 30 mg (3 comprimés, la seule forme disponible étant des comprimés de 10 mg) 3 fois par jour. Nous pouvons ensuite augmenter la dose par 2 fois, si la réponse à la dos initiale est insuffisante, d’abord à 40 mg (4 comprimés) 3 fois par jour et ensuite à 16 comprimés par jour en 3 prises (6 comprimés, 5 comprimés et comprimés).

La raison d’augmenter par ces 3 paliers est de trouver la dose la plus basse qui fonctionnera, en considérant que comme pour tous les médicaments, plus la posologie est élevée, plus le risque d’effets secondaires augmente.

Conformément aux recommandations de Santé Canada, les mères sont souvent traitées avec une posologie de seulement 10 mg (1 comprimé) 3 fois par jour. Peu de ces mères semblent ressentir l’effet de cette faible dose, mais je crois qu’aider ces mères à améliorer leur allaitement avec une meilleure prise du sein et en utilisant la compression du sein aurait pu éviter d’avoir “besoin” de dompéridone pour celles qui répondent à 10 mg 3 fois par jour. De plus, il est étrange de s’inquiéter au sujet d’un médicament pour ensuite le prescrire de manière inadaptée et souvent inefficace.

Combien de temps les mères doivent-elles prendre de la dompéridone?

Nous encourageons les mères à continuer la dompéridone jusqu’à ce que leur bébé ait bien progressé dans la diversification. Ainsi, si l’apport en lait diminue lorsque la mère diminue la dose de dompéridone, le bébé peut compenser cet apport en calories et en nutriments dans son alimentation solide le temps de réajuster la dose de dompéridone.

Mais ce n’est pas toujours nécessaire. Lorsque la dompéridone est utilisée pour augmenter le flux pour aider à mettre au sein un bébé qui ne parvient pas à le prendre, dès qu’il prend le sein correctement et boit bien, la mère peut arrêter la dompéridone (plus rapidement que décrit plus haut) car un bébé qui prend bien le sein obtient plus de lait au sein qu’un tire-lait.

Comment arrêter la dompéridone?

Nous recommandons de retirer un comprimé par jour et par semaine, toujours le même jour de la semaine. Si la mère prend 12 comprimés, elle en prendra 11 par jour pendant une semaine, puis 10 la semaine suivante et ainsi de suite.

La raison de cet arrêt progressif est qu’il a été rapporté des cas d’arrêts rapides, chez des mères en ayant pris pendant plusieurs mois, qui ont entraîné des symptômes d’anxiété, des insomnies et des dépressions. Cela n’a pas été un problème commun chez nos patientes, car elles tendent à suivre nos recommandations en terme d’arrêt progressif.

Ce syndrome d’anxiété est-il lié à la dompéridone? Pas vraiment. Il est probablement lié à la chute rapide du niveau de prolactine, qui est également remarquée chez les mères qui pratiquent un sevrage brutal ou encore chez les femmes qui sont traitées avec des médicaments comme la cabergoline qui font baisser le niveau de prolactine.

Question fréquente au sujet de l’effet sur le bébé

Comme la plupart des médicaments, la quantité de dompéridone qui passe dans le lait est très faible et insuffisante pour causer le moindre problème au bébé. Si la mère reçoit 80 mg de dompéridone par jour, le bébé recevra environ 0.007 microgrammes, une dose minuscule, insignifiante. Au delà de cette donnée, nous savons que la dompéridone est assez mal absorbée par l’estomac et le système digestif, et seulement 15% de la dose ingérée est vraiment absorbée. Les effets secondaires ou le mal sur le bébé est tellement faible qu’on peut le considérer comme nul.

Que dire d’autre?

Il a été suggéré que la dompéridone libère uniquement la prolactine stockée dans la glande pituitaire, et une fois celle-ci libérée, l’effet de la dompéridone disparaît. Nous voyons chez certaines patientes qu’elles ont au démarrage une bonne réponse à la dompéridone mais cela baisse au bout de 3-4 jours à 1 semaine. Mais l’explication de l’épuisement du stock de prolactine de la glande pituitaire n’a pa de sens.

Tout d’abord parce que cela arrive, mais seulement chez une très petite minorité de patientes.

Deuxièmement, car quand cela arrive, l’augmentation de la dose de dompéridone va permettre de rétablir l’effet de la dompéridone. Donc, il reste de la prolactine dans la glande pituitaire?

Quelle est l’explication? Je ne sais pas.

Vous avez besoin d’aide avec votre allaitement? Prenez rendez-vous dans notre clinique

Copyright: Jack Newman, MD, FRCPC, 2017, 2018

L'Allaitement Tout Un Art

Traduit par par L’Allaitement Tout Un Art (Estelle Le Gouard)