Baisse de lactation après les premiers mois

Si nous en croyons les e-mails que nous recevons et les patientes que nous voyons en consultation d’allaitement, la « baisse de lactation tardive » semble être un problème courant, souvent diagnostiqué par erreur comme quelque chose d’autre (fréquemment un reflux et/ou une allergie à quelque chose de présent dans le lait maternel). L’ironie est que beaucoup, sinon la plupart des mères qui ont ce problème, ont commencé par avoir une lactation abondante, et leur production lactée a diminué pour une raison ou une autre. Notez que « diminuée » ne veut pas nécessairement dire « insuffisante », seulement moins importante qu’auparavant. Il est important de le comprendre car, parfois, ce diagnostic n’est pas posé dans la mesure où le bébé continue à bien prendre du poids. La mère dira souvent que son lait sort en jets à travers la pièce lorsqu’elle l’exprime, ou qu’elle peut le tirer en grande quantité. Mais ces informations n’excluent pas la possibilité d’une baisse de lactation tardive.

La baisse de lactation peut apparaître aussi précocement que 3 à 4 semaines après la naissance mais, habituellement, les symptômes commencent à devenir évidents seulement 2 à 3 mois après la naissance.

Quels sont les symptômes d’une baisse dee lactation tardive ?

• Évidemment, dans certains cas mais pas dans tous, et à vrai dire pas même dans la majorité des cas, la prise de poids du bébé ralentit voire stagne. Certains bébés peuvent perdre du poids. Mais, et cela doit être souligné, la plupart des bébés continuent à en prendre, et c’est alors le comportement du bébé qui montre que quelque chose ne va pas.

• « Réflexe d’éjection fort ». Si le bébé ne parvient pas à gérer le flux de lait, ce n’est habituellement pas parce que le débit est trop rapide, mais parce que la prise de sein n’est pas optimale. La plupart des mères, en tout cas presque toutes celles venues dans notre consultation d’allaitement ou qui m’ont dit dans un e-mail que la prise de sein était bonne, avait des bébés dont la prise de sein était en fait loin d’être bonne. Dans de nombreux cas, la prise de sein était à coup sûr « non fonctionnelle ».

Baby unable to handle the flow of milk.

Photo 1. Ce bébé se retire-t-il du sein en raison d’un réflexe d’éjection trop fort ? Non, il se retire car sa prise de sein n’est pas aussi bonne qu’elle pourrait l’être. En améliorant la prise de sein, y compris en libérant un frein de langue, le bébé devrait être capable de mieux gérer le flux du lait. La mère comprime son sein en espérant ralentir le flux, mais le flux n’est pas le problème.

• Dans la mesure où le bébé continue habituellement à prendre du poids correctement, il est souvent diagnostiqué comme ayant un reflux, et traité avec des médicaments ou un lait artificiel anti-reflux. Aucun des deux n’est approprié, car le bébé n’a pas de reflux. J’admets que je n’en ai pas la preuve, mais je ne pense tout simplement pas que les bébés exclusivement allaités aient des reflux symptomatiques, excepté peut-être dans de rares cas. En outre, les traitements anti-reflux comme la ranitidine ou les inhibiteurs de la pompe à protons ne sont pas sans danger. On a montré qu’ils pouvaient causer des dommages rénaux, augmenter le risque de fractures et celui d’infection à Clostridium difficile, une infection intestinale grave. Le lait maternel contient aussi des alpha-lactalbumines qui, en milieu acide dans l’estomac, forment la protéine HAMLET (en français : alpha-lactalbumine humaine modifiée tueuse de cellules tumorales) qui pourrait aider à prévenir la survenue de cancers infantiles en amenant les cellules tumorales à s’autodétruire (apoptose). En diminuant l’acidité de l’estomac, ces médicaments anti-reflux empêchent la formation de la protéine HAMLET.

 

baisse tardive de production de lait

Regardez ce bébé au sein. Pendant les premières minutes, il buvait bien. Pourquoi commence-t-il à se retirer du sein ?

  • Coliques. Je pense que le terme « coliques » est inexact : les bébés allaités exclusivement pleurent habituellement parce qu’ils veulent plus de lait. Encore un diagnostic qui, je pense, ne devrait pas être fait chez les bébés exclusivement allaités. Même s’il prend du poids correctement, cela ne signifie pas que le bébé ne veut pas plus de lait, et il peut pleurer pour cette raison. De toute façon, typiquement, les « coliques » ne débutent pas à l’âge de 3 mois ou plus.

 

  • Allergie à quelque chose de présent dans le lait maternel. Il s’agit habituellement d’une réaction aux protéines de lait de vache, ou aux protéines de soja, ou à d’innombrables autres protéines dans le lait de la mère. Mais, une nouvelle fois, même si je n’en li pas la preuve formelle, je ne pense pas que cela se produise chez les bébés allaités, sauf très occasionnellement. Effectivement, de petites quantités de protéines de lait de vache et d’autres protéines « mises en cause », comme les protéines d’arachides, sont présentes pour diminuer le risque de réaction allergique chez le bébé ; et les études les plus récentes suggèrent qu’exposer le bébé à des allergènes possibles (tels que les protéines de lait de vache) peut en réalité diminuer le risque d’allergie. Même la présence de sang dans les selles du bébé ne prouve pas que le bébé est allergique à quelque chose de présent dans le lait (voir ci-dessous).
  • Alors pourquoi y a-t-il du sang ? J’ai une hypothèse dont je ne suis pas certain. Je pense que c’est le seul moment où l’histoire du lait pauvre/riche en graisses peut effectivement jouer un rôle. Si la lactation diminue et que le bébé se retire du sein lorsque le débit diminue, il boit principalement du lait pauvre en graisses. Son estomac se vide rapidement, et l’acide ainsi que d’autres enzymes qui ne pénètrent d’ordinaire pas dans les intestins se déplacent rapidement via l’intestin grêle jusqu’au gros intestin, provoquant une irritation de la paroi intestinale et un saignement. L’endoscopie faite par le gastro-pédiatre montrera une inflammation, et le diagnostic sera « confirmé » : colique allergique. Vraiment ? NON !

 

Un cas clinique montre la façon dont une baisse de lactation tardive peut causer du sang dans les selles 

Voici ce qui est arrivé à une mère dont le bébé avait été diagnostiqué comme allergique en raison de la présence de sang dans ses selles :

  • Mon bébé a eu du sang dans les selles il y a quelques mois. Le médecin, qui suspectait une allergie aux protéines de lait de vache, m’a fait éliminer les produits laitiers de mon alimentation. Vous m’avez répondu qu’il s’agissait plus probablement d’une baisse de lactation tardive. J’ai commencé à prendre 90 mg de dompéridone par jour. Ma lactation a diminué de nouveau, la dose a donc été augmentée à 120 mg par jour (12 comprimés), et nous avons vu une consultante en lactation. Elle a diagnostiqué un frein de langue ayant pour conséquence une prise de sein superficielle. Le frein de langue a été libéré par un pédiatre un mois plus tard. À ce stade, les choses étaient désormais parfaites. J’ai recommencé à consommer des produits laitiers il y a trois semaines. J’ai diminué la dose de dompéridone de 10 mg tous les 3 jours jusqu’à atteindre une prise quotidienne de 40 mg. (Mon commentaire : c’est trop rapide, nous recommandons de diminuer la dose de 10 mg par semaine : si la mère prenait 120 mg par jour, elle prendra 110 mg pendant une semaine, puis 100 mg la semaine suivante, et ainsi de suite). La lactation a diminué. Deux jours plus tard, de nouveau présence de sang dans les selles, puis par intermittences depuis maintenant trois jours. J’ai augmenté de nouveau la dose de dompéridone à 90 mg par jour. Mon bébé a reçu des protéines de lait de vache pendant trois semaines sans avoir de sang. Peut-on supposer que ce n’est pas l’allergie qui causait la présence de sang dans les selles ? (Mon commentaire : je n’ai jamais pensé qu’il s’agissait d’une allergie à quelque chose de présent dans le lait maternel).

• Voir également le point suivant. Typiquement, le bébé va tirer sur le mamelon, pleurer au sein, le lâcher et le reprendre, le tirer et le lâcher encore. Le bébé peut même refuser complètement le sein, bien que la plupart continuent à téter pendant la nuit.

• « Grève de la tétée ». C’est un diagnostic courant fait pour bien des bébés exclusivement allaités ou des bambins qui refusent de téter alors même qu’ils n’ont jamais reçu le moindre biberon et ont bien grandi et grossi pendant tout un temps. Cette « grève de la tétée » a tendance à se produire chez les bébés âgés de 4 mois ou plus. Mais ces bébés tètent habituellement bien pendant la nuit. Le cas du bébé qui tète bien la nuit mais quasiment pas la journée est typique d’une baisse de lactation tardive.

• La mère peut vivre une « survenue tardive de douleurs aux mamelons ». Pourquoi cela arrive-t-il ? Quand le débit du lait diminue, la bouche du bébé peut glisser sur le sein au lieu de maintenir une succion efficace, le bébé peut « mordre », comme disent certaines mères, et s’il tire sur le sein sans le lâcher, cela peut certainement causer des douleurs aux mamelons. La mère dira souvent dans ce cas « qu’elle – la mère – est devenue moins attentive » dans sa façon de mettre le bébé au sein. Mais il n’y a aucune raison d’aider un bébé de 4 mois à prendre le sein, il doit le faire de lui-même.

• Les tétées peuvent être très longues ou, plus fréquemment, très courtes, le bébé tirant sur le sein lorsque le débit diminue. Quand les tétées sont vraiment courtes, le bébé peut commencer à sucer de façon intensive sa main ou ses doigts. Ce n’est pas normal pour un bébé de passer son temps à sucer sa main ou ses doigts, bien qu’on le dise habituellement.

• Un bébé qui dormait toute la nuit peut se mettre à se réveiller de nouveau fréquemment. D’un autre côté, un bébé qui se réveillait la nuit pour téter peut se mettre à dormir toute la nuit, peut-être pour le plus grand plaisir des parents, mais ce n’est peut-être pas bon signe.

• Le bébé s’est « sevré de lui-même ». Les enfants âgés de moins de 3 ans environ ne se sèvrent pas « d’eux-mêmes ». On pense que le bébé « se sèvre de lui-même » parce qu’il refuse le sein.

• Chez les bébés plus âgés, on en voit qui ne prennent pas bien du poids tout en refusant de manger des solides. C’est utilisé par les pédiatres et nutritionnistes comme la preuve qu’il « n’y a rien dans le lait maternel après les premiers mois ». Mais ils peuvent uniquement dire cela parce qu’ils ne voient pas le bébé au sein, et même s’ils le voyaient, ils ne sauraient pas quoi regarder. Donc, on annonce triomphalement à la mère que le bébé utilise trop d’énergie à tétouiller toute la journée sans obtenir les calories nécessaires. Mais pourquoi le bébé refuserait-il les solides s’il ne prend que peu de poids ? En fait, si le bébé ne reçoit pas beaucoup de nutriments et de calories, ce n’est pas parce qu’il « n’y a rien dans le lait après les premiers mois », mais bien plutôt parce qu’il n’obtient pas assez de lait. Et cela rend le bébé cétosique, tout comme quelqu’un qui fait un régime induisant une cétose chez celui qui le suit. Quand vous êtes cétosique, vous perdez l’appétit. Le bébé n’a donc pas envie de manger des solides, mais continue à prendre le sein car il y trouve confort et sécurité.

Quand commence la diminution de la lactation et du flux du lait ? 

Nous pensons que cela commence bien plus tôt que les mères ne le supposent. Les bébés qui vont bien commencent à devenir un peu agités, agitation souvent expliquée par « il grandit et est plus intéressé par le monde qui l’entoure ». Ou bien les bébés se mettent à sucer leurs doigts, et c’est considéré comme « normal » pour leur âge. Mais à un moment donné, les parents ne peuvent plus ignorer ni expliquer ce qui se passe. Nous sommes certain que, chez ces mères, il y a eu une longue période (plusieurs semaines) où la production et le débit de lait ont diminué, et lorsque cette diminution devient critique, elles se rendent compte qu’il y a un problème, mais pensent que c’est arrivé soudainement. À ce stade, on diagnostique généralement au bébé soit un « reflux », soit une « allergie à quelque chose de présent dans le lait maternel », aucun de ces deux diagnostics n’étant correct. Malheureusement, si le bébé est passé au lait artificiel (n’importe quel lait, pas nécessairement un lait « hypoallergénique »), il se met à aller mieux. Pourquoi ? Parce qu’il était vraiment allergique à quelque chose de présent dans le lait ? Non ! Cela ne prouve rien. La vraie raison ? Le bébé boit maintenant plus de lait.

Pourquoi la mère peut avoir une diminution de sa lactation ?

• Souvent la prise de sein n’est pas aussi bonne qu’elle pourrait l’être. La mère peut avoir ou non des mamelons douloureux en raison d’une prise de sein pas optimale, mais elle surmontera souvent la douleur car le bébé reçoit un bon débit au sein. Ce sont ces mères à qui l’on disait il y a des années : « C’est normal d’avoir mal aux mamelons, mais ça passera après trois semaines ». Il y a des années, vraiment ? Lorsque j’ai débuté mes consultations d’allaitement, presque toutes les mères avaient entendu cela, si j’en crois ce que j’ai pu constater, du moins d’après ce que me disaient les mères venues en consultation.

Et pourquoi la prise du sein ne serait-elle pas aussi bonne qu’elle le devrait ? En raison de :

1. “Technique” de positionnement et de prise de sein du bébé (voir Effectuer la mise au sein et le chapitre “Qu’est-ce qu’une bonne prise de sein” du livre La prise de sein et autres clefs de l’allaitement réussi).

2. Utilisation de mamelons artificiels tels que des biberons ou des bouts de sein, et plus qu’occasionnellement des sucettes. (Un bébé qui prend vraiment bien le sein ne devrait pas avoir besoin d’une sucette, et l’introduction d’une sucette peut être un signe précoce d’une baisse de lactation tardive. Baisse de lactation encore aggravée par l’utilisation de ladite sucette).

3. Présence d’un frein de langue serré. Certains sont évidents, mais beaucoup sont plus subtils et exigent une évaluation qui va au-delà du simple fait de regarder, et cela suppose de passer son doigt sous la langue du bébé et de savoir ce qu’il faut sentir. Malheureusement, peu de professionnels de santé, y compris des consultantes en lactation, savent évaluer la présence d’un frein. Même lorsque le frein est libéré, il ne l’est souvent que partiellement et/ou il s’est ré-attaché.

4. La mère a eu une baisse de lactation. La survenue tardive d’une baisse de lactation est très fréquente. Et lorsque le flux de lait ralentit, la bouche du bébé a tendance à glisser sur le mamelon et à tirer sur le sein, la prise de sein est moins bonne encore, de sorte qu’une baisse de lactation peut elle-même engendrer une baisse encore plus importante. Regardez nos clips vidéos sur les bébés qui boivent bien (ou pas). Regardez les vidéos, lisez le texte, puis regardez de nouveau les vidéos. Suivre le Protocole pour augmenter l’ingestion du lait maternel par le bébé peut améliorer la situation et aider le bébé à prendre suffisamment de poids.

• La mère a donné un sein par tétée au bébé, sans proposer le second. Auparavant, il était d’usage de proposer automatiquement l’autre sein lorsque le bébé commençait à s’endormir sur le premier. Puis, au cours des dernières années, les mères ont été encouragées à ne donner qu’un sein par tétée, voire à proposer uniquement le même sein pour plusieurs tétées (« block feeding »). Mais si le bébé ne boit pas (voir les vidéos mentionnées dans le paragraphe précédent), le bébé n’obtient pas le lait de fin de tétée puisqu’il n’obtient pas de lait du tout. Et quelle est alors la conséquence de ne donner qu’un sein par tétée en routine ? Une diminution de la lactation.

• La mère a commencé à prendre une pilule contraceptive, à utiliser un DIU contenant de la progestérone ou tout autre moyen de contrôle des naissances utilisant des hormones. Il est indubitable que, chez certaines mères allaitantes (voire même chez nombre d’entre elles), ces méthodes peuvent provoquer une diminution de la lactation. On leur dit habituellement que les contraceptions hormonales n’impactent pas la lactation. Elles sont mal informées. Certaines disent qu’elles n’ont pas observé de changement au niveau de leur lactation suite à l’utilisation d’une méthode de contraception hormonale. C’est possible, tout le monde ne réagit pas de la même manière à tous les médicaments.

• Il est bien connu qu’une nouvelle grossesse va diminuer la production lactée. Chez les mères qui allaitent exclusivement et dont le bébé ne reçoit ni biberon ni sucette, qui donnent le sein à la demande et n’ont pas eu leur retour de couches, la probabilité de tomber enceinte dans les 6 premiers mois est très faible, à peu près du même ordre qu’avec une pilule contraceptive. En cas de nouvelle grossesse, de nombreux bébés continueront à téter même si la lactation a considérablement diminué, car, plus que pour du lait, ils tètent pour le confort et la sécurité de l’allaitement. D’autres bébés, pour qui le débit de lait est important, deviendront agités au sein, et nombreux sont ceux qui arrêteront de téter, particulièrement si on leur donne des biberons.

• Certains médicaments peuvent provoquer une diminution de la lactation. Il est évident que la bromocriptine (Parlodel) et la cabergoline ne devraient pas être utilisées chez les mères allaitantes. Ces deux médicaments sont supposés arrêter la lactation. Mais savez-vous qu’en Europe de l’Est en en Grèce et probablement aussi dans d’autres pays, ils sont utilisés pour prévenir les engorgements du post-partum (le traitement pour prévenir l’engorgement du post-partum est d’amener le bébé à téter correctement) et pour les mastites (aucun mot ne peut décrire à quel point cette approche pour traiter les mastites est ridicule). Bien qu’aucune étude ne l’ait jamais constaté, on peut dire, sur la base de nombreux rapports de mères allaitantes, que les antihistaminiques par voie orale, particulièrement les plus anciens, diminuent également la lactation. Il est possible que la pseudoéphedrine puisse également diminuer la lactation. Les antihistaminiques et la pseudoéphédrine se trouvent dans les médicaments en vente libre contre le rhume et les allergies. Le bupropion, contrairement à la plupart des autres antidépresseurs, pourrait diminuer la lactation, mais on n’en est pas certain.

• La dépression du post-partum, l’épuisement, un régime suivi par la mère peuvent-ils affecter la lactation ? Tout le monde semble le croire, et cela pourrait très bien être vrai, je n’en sais rien, mais il n’y a pas réellement de preuve de l’impact de ces facteurs.

Alors, que peut-on faire pour prévenir et traiter ce problème ?

Il est toujours préférable de prévenir les problèmes que de les traiter, ou peut-être faudrait-il mieux dire que le meilleur traitement de tous les problèmes possibles est la prévention. Et qu’est-ce que cela implique ? Obtenir la meilleure prise de sein dès que possible après la naissance du bébé. Si la mère a des mamelons douloureux, alors la prise de sein du bébé n’est pas bonne, peu importe ce que l’on voit de l’extérieur. Pendant les premiers jours, et même ensuite, une bonne prise de sein et la compression du sein sont des façons efficaces d’obtenir plus de lait et d’aider à prévenir l’insatisfaction et l’introduction précoce de biberons ou de bouts de sein qui aboutiront à une diminution de la quantité de lait ingérée par le bébé au sein. Le peau à peau est également très important pour la mise en place de l’allaitement. Plus tôt les problèmes d’allaitement sont pris en charge, plus faciles ils sont à résoudre.

Lorsque nous demandons à nos patientes dont le bébé a un frein de langue très évident si l’équipe de la maternité a vérifié la présence d’un frein de langue chez le bébé, la réponse la plus fréquente est : « Non, ils n’ont même pas regardé. » La deuxième réponse la plus fréquente est qu’ils ont répondu qu’il pourrait y avoir un frein de langue, mais que ce n’était pas important. Ces freins, quand nous voyons les mères et leurs bébés, sont évidemment très importants. Et enfin, la troisième réponse, également fréquente, est qu’il n’y a pas de frein de langue.

Quoi d’autre ?

• Ce n’est pas une bonne idée de ne proposer au bébé qu’un sein par tétée en routine. Oui, s’assurer que le bébé a « fini » le premier sein avant de lui proposer le second peut aider à traiter une prise de poids faible ou un bébé agité, mais les règles et l’allaitement ne font pas bon ménage. Si le bébé ne boit pas, et n’obtient pas réellement de lait, il n’y a aucune raison de le laisser téter sans presque rien obtenir pendant de longs moments. La mère devrait « finir » un côté puis proposer ensuite le second. L’approche qui consiste à proposer un seul sein sans « écouter » le bébé aboutit à une diminution de la lactation.

En outre, les bébés ont tendance à obtenir moins de lait en fin de journée que le matin, donc ce qui pourrait marcher tôt dans la matinée peut ne pas fonctionner tôt dans la soirée. Si le bébé pleure et s’agite le soir, la mère à qui l’on a conseillé « un sein par tétée » peut continuer à donner le même sein au bébé et finalement conclure qu’elle a besoin de lui donner un biberon de lait artificiel. Et comme la lactation continue à diminuer, le problème peut s’aggraver. Même si la mère met du lait précédemment exprimé dans le biberon du soir, ce n’est pas une réponse au problème. Le biberon ne fait que l’aggraver.

En plus de cela, ce qui peut fonctionner quand le bébé a 1 mois, par exemple, peut ne pas fonctionner quand il a 3 ou 4 mois. Pourtant, si l’on croit que donner un seul sein par tétée est la voie à suivre, la lactation continue de diminuer et de nombreux symptômes d’une diminution tardive de la lactation peuvent apparaître.

• Les médicaments qui diminuent la lactation devraient être évités. Ce point est abordé plus haut. Il est presque toujours possible d’éviter les antihistaminiques par voie orale. Pour les allergies saisonnières, un traitement local est préférable, pas uniquement d’ailleurs pour prévenir une diminution de la lactation. Pourquoi donner un traitement au corps entier lorsque ce sont seulement les yeux ou le nez qui en ont besoin ? Il existe des gouttes pour le nez ou les yeux qui peuvent être utilisées, et des inhalateurs pour les symptômes respiratoires. L’utilisation de la cabergoline et de la bromocriptine est contre-indiquée chez les mères allaitantes, car elles peuvent stopper la lactation.

• Une prise en charge rapide des problèmes d’allaitement est importante. Les problèmes qui sont difficiles à résoudre lorsque le bébé a 8 semaines, auraient pu être résolus plus facilement lorsqu’il avait 8 jours.

Que faire si le problème de diminution tardive de la lacrtation existe déjà ?

Premièrement et avant toute chose, supprimer tous les médicaments pris par la mère qui pourraient avoir un impact négatif sur la lactation.

Si la mère donne un sein par tétée, elle devrait commencer à proposer les deux seins à chaque tétée.

Il n’est pas trop tard pour libérer un frein de langue.

Si le bébé est âgé de 4 mois ou plus, la diversification peut et devrait être commencée plutôt que de donner du lait artificiel, particulièrement au biberon (mais si le bébé est nourri avec un dispositif d’aide à la lactation, le lait artificiel peut être une option). Il en va de même pour du lait de donneuse. Un biberon interfère avec l’allaitement, et dans un contexte de baisse de la lactation, cela peut aboutir à un bébé qui refuse complètement le sein. Combien de solides devraient être donnés ? Autant que le bébé en prendra, aussi fréquemment qu’il voudra les prendre sans qu’on le force. Les céréales infantiles commerciales, bien qu’appréciées des pédiatres, sont pauvres en nutriments, sauf en fer dont la plus grande partie finit dans la couche du bébé. Leur goût est au mieux mauvais, et le fer peut provoquer de la constipation. Il n’y a rien de magique dans ces céréales. Pour plus d’information, voir Commencer la diversification alimentaire.

Mais il est encore plus important d’augmenter la lactation que de donner des aliments solides. La dompéridone peut augmenter la production et le débit du lait. On commence avec 30 mg (3 comprimés) 3 fois par jour et parfois on augmente en deux paliers, d’abord à 40 mg (4 comprimés) 3 fois par jour ou 50 mg (5 comprimés) 3 fois par jour (par commodité). (Ndlr : la dompéridone a un effet galactogène rapporté mais n’a pas d’AMM en France pour cette indication).

Avez-vous besoin d’aide pour votre allaitement ? Faites un rendez-vous à notre clinique.

Traduction de Late onset decreased milk supply
Dr Jack Newman, MD, FRCPC © 2017, 2018

Version française, novembre 2018, par Vanessa Lasne, animatrice LLL. 
Peut être copié et diffusé sans autre autorisation, à condition qu’il ne soit utilisé dans aucun contexte où le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel de l’OMS est violé.