La chirurgie mammaire et ses effets sur l’allaitement (deuxième partie)
Certaines chirurgies mammaires effectuées avant que la femme n’ait des enfants peuvent impacter sa capacité à produire du lait.
Galactocèles et abcès du sein
Crevasses, canaux bouchés, mastites et parfois abcès, surviennent habituellement quand la mère a une production lactée abondante mais que le bébé n’a pas une bonne prise de sein. Un galactocèle semble apparaître dans un canal bouché lorsque celui-ci ne se résout pas rapidement.
Et pourquoi le bébé ne prend-il pas bien le sein ?
En raison de :
● La façon dont est positionné le bébé et dont il prend le sein.
● L’utilisation de mamelons artificiels tels que biberons, bouts de de sein, et l’utilisation plus que très occasionnelle d’une sucette.
● Le bébé a un frein de langue serré. Certains sont évidents, mais beaucoup sont plus subtils et exigent une évaluation qui va au-delà de la simple observation, et suppose de placer son doigt sous la langue du bébé, d’évaluer sa mobilité ascendante et de savoir ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Malheureusement, peu de professionnels de santé, y compris des consultantes en lactation, savent évaluer la présence d’un frein.
● La mère a eu une baisse de lactation. D’un autre côté, crevasses/canaux bouchés/mastites peuvent apparaître parce que la lactation a diminué. Des canaux bouchés récurrents, et parfois même un seul canal bouché ou mastite, peuvent entraîner une baisse de lactation. La baisse de lactation tardive est courante et aboutit à un bébé qui glisse sur le mamelon et tire sur le sein. Le bébé peut tirer sur le sein quand le flux de lait ralentit, ce qui aboutit à un drainage insuffisant. La mère peut avoir l’impression que sa lactation est toujours bonne, parfois même “surabondante”, car les seins sont souvent “pleins”, même juste après la tétée. Pour plus d’informations sur la baisse de lactation tardive et sur ce qui peut être fait. Une cause courante de baisse de lactation tardive est de ne proposer qu’un sein par tétée et pire, le même sein pour plusieurs tétées. Cliquez sur ces liens Tétée très efficace avec texte français, Bébé de 12 jours tétouillant avec texte français, Efficacité “limite” avec texte français, pour visionner des vidéos montrant des bébés buvant efficacement au sein ou non. Regardez les vidéos, lisez le texte, et regardez encore les vidéos. Suivre le protocole pour augmenter la quantité de lait ingérée par le bébé peut changer les choses et permettre au bébé de prendre suffisamment de poids.
Galactocèle ou kyste de lait
Une fois le diagnostic fait, je crois que la meilleure chose à faire en présence d’un galactocèle est de le laisser tranquille. J’aspirerai un galactocèle une fois pour confirmer le diagnostic, car ni les antécédents ni l’examen physique ne le distingue des autres grosseurs dans le sein. Si l’aspiration ramène du lait, la grosseur est un galactocèle. Si elle ramène du pus, c’est un abcès.
Il est vrai qu’en palpant la grosseur, on a généralement l’impression qu’elle contient du liquide, mais pas toujours, surtout si le galactocèle ou l’abcès est assez profond dans le sein. En outre, le fait de ressentir la présence d’un fluide dans la grosseur ne distingue pas un galactocèle d’un abcès. Un abcès a tendance à être sensible quand on le comprime, mais pas particulièrement douloureux, à moins qu’il ne grossisse rapidement. Un galactocèle n’est habituellement ni sensible ni douloureux à moins qu’il ne grossisse rapidement.
Lorsque le diagnostic est confirmé, je le répète pour souligner mon propos, un galactocèle devrait être laissé tranquille. Les aspirations répétées d’un galactocèle ne servent à rien, car le galactocèle se remplit rapidement après aspiration. Bien que le risque de survenue d’une infection soit faible si elle est faite proprement, chaque aspiration comporte un faible risque d’infection. Un galactocèle peut être assez gros, mais il arrête habituellement de grossir dès lors que la pression à l’intérieur égale la pression hors du galactocèle.
Effectuer une intervention chirurgicale sur un galactocèle alors que la mère produit encore du lait, comme le recommandent certains chirurgiens, c’est courir au désastre, d’autant plus qu’elle est rarement nécessaire et devrait être évitée dans toute la mesure du possible. Un galactocèle disparaît presque toujours lorsque la mère arrête l’allaitement, mais elle ne devrait pas arrêter l’allaitement simplement en raison de la présence d’un galactocèle. Il n’y a aucun danger à long terme à le laisser tranquille.
Cette photo montre ce qui peut mal se passer lorsqu’on opère un galactocèle. Certes, le résultat est rarement aussi mauvais, mais ce genre de résultat n’est pas normal, même s’il est rare d’en arriver là.
Un problème moins dramatique, mais un problème malgré tout, est que la mère continuera à avoir du lait qui coule de l’incision après la chirurgie. En effet, le galactocèle a été « extériorisé». Au lieu de rester à l’intérieur du sein, le lait s’écoule à l’extérieur (parfois à flot) dans les habits de la mère. Et les fuites sont probables si, comme c’est le cas habituellement, la mère s’entend dire par le chirurgien qu’elle doit arrêter d’allaiter de ce côté (ou arrêter d’allaiter tout court). Par où sortira le lait, s’il ne s’écoule pas par le chemin habituel ? Par la zone de moindre résistance à l’écoulement du fluide qu’est l’incision. Il est donc préférable que la mère continue à allaiter et que le lait “sorte” de la façon habituelle.
Si la mère de la photo ci-dessus n’avait pas subi de chirurgie, elle serait restée avec une grosseur dans le sein, probablement légèrement douloureuse, elle aurait continué à allaiter et le galactocèle se serait desséché une fois qu’elle aurait cessé d’allaiter. En l’état actuel des choses, elle a été hospitalisée pour l’intervention et est restée à l’hôpital pendant plus d’une semaine. Et même alors, ses problèmes n’étaient pas terminés.
Abcès du sein
Un cas habituel d’abcès du sein suit une chronologie caractéristique. Une mère développe les signes et symptômes d’une mastite, voit son médecin, et est traitée avec un antibiotique, trop souvent inapproprié.
Bien qu’il soit connu depuis des décennies que le germe pathogène le plus courant dans les mastites, et de loin, est Staphylococcus aureus, les mères sont trop souvent traitées avec un antibiotique tel que l’amoxicilline ou l’érythromycine. L’amoxicilline ne tuera pas Staphylococcus aureus, et seule une minorité de Staphylococcus aureus est sensible à l’érythromycine. Par ailleurs, les nausées, vomissements et douleurs abdominales qui ne sont pas rares avec l’érythromycine en font un mauvais choix pour le traitement de la mastite.
Pire encore, de nombreuses mères s’entendent dire qu’elles doivent arrêter l’allaitement lorsqu’elles ont une mastite ou lorsqu’elles prennent des antibiotiques. Cela n’a aucun sens, et il convient de souligner qu’un principe séculaire de la médecine et du traitement chirurgical consiste à drainer une zone d’infection et de gonflement. La meilleure façon de le faire est d’avoir un bébé qui continue à téter le sein atteint.
En outre, l’inquiétude au sujet de la transmission de l’infection au bébé via le lait n’a pas lieu d’être. En premier lieu, la bactérie était présente dans l’organisme de la mère bien avant que celle-ci ne développe une mastite, et le bébé y a donc été exposé bien avant que la mère ne sache que quelque chose n’allait pas. De fait, la mère et le bébé partagent tous leurs germes, et c’est une bonne chose. De plus, l’allaitement protège les bébés des infections ; c’est connu depuis des années, mais il semble que les médecins modernes l’aient oublié, bien que les preuves continuent de s’accumuler sur le rôle protecteur de l’allaitement.
Si la mère prend des antibiotiques, ce n’est pas une raison pour interrompre l’allaitement. Les antibiotiques utilisés pour le traitement d’une mastite sont également des médicaments couramment utilisés pour les bébés qui en ont besoin (et trop souvent, quand ils n’en ont pas besoin, mais c’est une autre histoire). Les quantités de médicaments excrétées via le lait sont généralement infimes, et les antibiotiques ne font pas exception.
Que faire?
La première chose à souligner est qu’un abcès du sein, bien que stressant pour la mère et le médecin, n’est pas une situation d’extrême urgence. Les mères et leurs bébés sont souvent envoyés aux urgences pour un traitement immédiat alors qu’une approche plus modérée et réfléchie serait préférable.
Le diagnostic d’un abcès du sein peut être fait en ponctionnant la grosseur (photo ci-dessous). Cela ne permet pas seulement de réaliser le diagnostic (l’aspiration va révéler si la masse contient du pus, comme sur cette photo) mais procure aussi un certain soulagement à la mère si elle a mal. Par ailleurs, cela rend disponible pour le laboratoire un échantillon qui permettra une mise en culture et de déterminer la sensibilité du germe responsable de l’abcès (presque toujours, selon notre expérience, Staphylococcus aureus, et il n’est pas rare de nos jours que le SARM – Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline – soit en cause).
Les aspirations peuvent être répétées tous les quelques jours si nécessaire, mais retourner régulièrement chez le médecin n’est pas facile pour une nouvelle mère et son bébé, d’autant moins si elle a d’autres jeunes enfants à la maison. De plus, les aspirations répétées ne permettent pas toujours de traiter définitivement l’abcès.
Quoi qu’il en soit, l’incision et le drainage, tels que pratiqués par la plupart des chirurgiens, ne sont pas non plus une bonne idée. Les chirurgiens, de manière générale, semblent ne pas considérer l’allaitement comme important. Arrêter l’allaitement sur le sein atteint, ce qui, du moins dans notre expérience, est recommandé par la plupart des chirurgiens, risque d’aboutir à un écoulement de lait par l’incision une fois l’infection guérie, comme dans le cas d’un galactocèle. Car où va s’écouler le lait si ce n’est pas par le mamelon ? Eh oui, par une zone de moindre résistance, à savoir l’incision. Et ne pas vider le sein en utilisant les tétées cause à la mère une douleur supplémentaire liée à l’engorgement.
Certains chirurgiens vont même plus loin et recommandent vivement à la mère de cesser complètement l’allaitement, y compris du sein qui n’est pas atteint. Pourquoi font-ils ça ?
La raison en est, je pense, qu’ils veulent que la lactation du sein qui présente un abcès se tarisse (pourquoi le sein qui présente un abcès devrait-il se tarir, c’est une autre question). Et les chirurgiens, de manière générale, ne semblent pas comprendre qu’une mère peut tarir un seul sein si c’est nécessaire (ce qui habituellement ne l’est pas). Ils croient, semble-t-il, que l’allaitement sur le sein qui n’est pas atteint va maintenir la lactation du côté atteint, celui avec l’abcès. Comprennent-ils vraiment si peu de choses à l’allaitement maternel et son fonctionnement ? Que penserait-on d’un chirurgien gastro-intestinal qui ne comprendrait pas le fonctionnement de l’intestin ?
Comment traiter un abcès?
Si je diagnostique un abcès du sein, je vais envoyer la mère et le bébé chez un radiologue qui utilise une autre approche que l’incision et le drainage privilégiés par les chirurgiens. Cette approche permet au bébé de continuer à téter les deux seins, tout en réduisant considérablement les complications pour la mère. Cette approche est décrite dans cet article.
Voici comment cela fonctionne : Le radiologue cartographie l’abcès à l’aide d’une échographie et insère un cathéter dans l’abcès pour le drainer. Le cathéter est maintenu en place jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’écoulement, puis retiré. La mère continue d’allaiter du côté affecté comme elle l’aurait fait normalement si elle n’avait pas développé d’abcès.
En général, on poursuit la prise d’antibiotiques (choisis selon la sensibilité de la bactérie) jusqu’à ce que la mère soit guérie.
Notre expérience avec ce procédé ?
Depuis plus de 12 années que nous envoyons nos patientes ayant un abcès mammaire aux radiologues de l’hôpital voisin, nous avons vu un peu plus de 100 mères avec abcès. Heureusement, les chiffres ont diminué au fil des ans. J’espère que c’est parce qu’il y a moins de mères qui développent un abcès parce qu’elles obtiennent une meilleure aide pour le positionnement et la prise du sein, ainsi que d’autres informations rationnelles sur l’allaitement, mais je m’interroge. Il est aussi possible que davantage de mères soient dirigées vers des radiologues plutôt que vers des chirurgiens.
Quels résultats avons-nous obtenus ? Dans mon souvenir, une seule mère a cessé d’allaiter malgré nos encouragements à continuer. Une mère a eu une récidive d’un abcès, récidive traitée de la même manière, et elle a ensuite été guérie. Une mère, nous le craignions, était en train de développer une fistule (un écoulement de lait du site d’insertion du cathéter qui ne s’arrête pas), mais en fait, après 3 semaines, l’écoulement a cessé.
L’incision et le drainage, selon l’approche du chirurgien, préviennent-ils la récidive ? Non, selon la littérature, environ 7% des abcès récidivent après incision et drainage. Comme vous pouvez le constater, nos résultats montrent un taux de récidive inférieur à 1%.
Dans la troisième partie, que faire si vous trouvez une masse dans votre sein en cours d’allaitement.
Vous cherchez de l’aide pour des problèmes de l’allaitement?
Copyright: Jack Newman, MD, FRCPC, Andrea Polokova, 2017, 2018, 2020
Traduction de l’anglais Vanessa Lasne, Animatrice LLL France, Avril 2019